Après 7 semaines passées en Thaïlande, c’était la boule au ventre que nous quittions nos familles Thaïlandaises pour nous envoler vers de nouveaux horizons asiatiques. Le Vietnam et ses merveilles nous tendaient les bras. Face à de nouveaux imprévus qui nous ont empêché de nous rendre directement dans le centre Vietnam pour notre étude, nous avons pu prendre une semaine de vacances dans la capitale du Vietnam : Hanoi. Un concentré de vie, de culture et de délicieux petits restaurants qui s’intègrent dans la mouvance et le brouhaha constants des klaxons et de la circulation chaotique propre à ce pays.
Alors il faut le dire, nous n’avons pas résisté à l’appel de la mer et des campagnes alentours où trouver plus de calme et avons fait un petit détour par la baie d’Ha Long et Ninh Binh (la baie d’Ha Long terrestre). Nous nous retrouvions à la fois émerveillées par ces paysages idylliques et affolées par la quantité de bateaux remplis de touristes du monde entier qui parcouraient la mer pour découvrir la fameuse baie. Un tableau riche en couleur mais victime de son succès … Bien que les espèces animales et végétales endémiques de ces îles semblent être mises sous un programme de protection, l’eau de mer et les espèces marines sont les premières atteintes par ce tourisme de masse qui chamboule tout l’écosystème. Notre regard d’agronome nous suit décidément partout !
Après une semaine de petites vacances, nous avons enfin pu nous remettre au travail. C’est à la frontière du Laos, dans la province de Ha Tinh que se trouve HEPA (Human Ecology Practice Area), l’école d’agroécologie où nous avons passé 3 semaines. Financée par l’ONG vietnamienne SPERI, c’est une école pour fermiers qui souhaitent mettre en pratique le principe d’écologie humaine. Il s’agit simplement d’un espace où le système humain (une ethnie par exemple) interagit avec le système écologique. L’homme, principalement au travers des ainés des villages, apporte ses connaissances pour gérer le système écologique qui lui apporte de quoi manger et encore plus de savoir en retour. Aujourd’hui, 15 personnes travaillent et vivent sur place pour protéger les forêts, protéger la rivière des déchets des touristes vietnamiens, s’occuper des jardins et des fermes et … faire la cuisine. Mr Vinh a été notre principal hôte durant ce séjour et nous a fait découvrir ce projet dont voici l’histoire
Pourquoi une telle école a t-elle été créée ?
En seulement 10 ans le Vietnam a connu un développement incroyable, parfois incontrôlé. Cela a beaucoup impacté les populations rurales qui souhaitent aujourd’hui principalement « partir à la ville pour s’enrichir, acheter des motos, des téléphones, des télévisions etc etc » comme dit Vinh. Le gouvernement de son côté promeut les monocultures et la déforestation pour produire de l’acacia pour le papier notamment et les ethnies qui représentent une très grande partie des fermiers sont enrôlées dans le système. Les traditions se perdent alors petit à petit et les fermiers sont toujours plus considérés comme des arriérés, surtout ceux réfractaires aux systèmes intensifs. Pourtant ce sont eux qui portent les savoirs ancestraux du pays et qui, au travers de leur croyance des esprits de la nature, protègent les forêts, leur faune et flore et donc en partie la richesse du pays. Tout ceci soulève évidemment la question de la transmission des connaissances, des croyances et de la conservation de ces ressources. Principalement pour ces communautés ethniques, nous parlons d’une perte de connaissances sur les plantes locales et leurs utilisations médicinales et alimentaires.En seulement 10 ans le Vietnam a connu un développement incroyable, parfois incontrôlé. Cela a beaucoup impacté les populations rurales qui souhaitent aujourd’hui principalement « partir à la ville pour s’enrichir, acheter des motos, des téléphones, des télévisions etc etc » comme dit Vinh. Le gouvernement de son côté promeut les monocultures et la déforestation pour produire de l’acacia pour le papier notamment et les ethnies qui représentent une très grande partie des fermiers sont enrôlées dans le système. Les traditions se perdent alors petit à petit et les fermiers sont toujours plus considérés comme des arriérés, surtout ceux réfractaires aux systèmes intensifs. Pourtant ce sont eux qui portent les savoirs ancestraux du pays et qui, au travers de leur croyance des esprits de la nature, protègent les forêts, leur faune et flore et donc en partie la richesse du pays. Tout ceci soulève évidemment la question de la transmission des connaissances, des croyances et de la conservation de ces ressources. Principalement pour ces communautés ethniques, nous parlons d’une perte de connaissances sur les plantes locales et leurs utilisations médicinales et alimentaires.
Face à ce constat, Madame Lanh, avec l’aide de SPERI a créé HEPA en 2002. Sachez que nous parlons ici d’un terrain de plus de 200ha qui a été prêté pour une durée de 50ans par le gouvernement provincial qui a visiblement été sensible aux objectifs du projet : conserver les cultures et traditions et préserver les forêts. Cela consistait en un projet d’« empowerment » des fermiers de la région du Mékong, particulièrement les ethnies pour les pousser à cultiver la croyance des esprits et à développer leurs connaissances en particulier au niveau agricole. La mission en elle-même reposait sur deux points :
- Avoir des changements au niveau local tout en traitant de questions plus globales telles que le changement climatique, l’érosion, la biodiversité, le rôle de la gestion communautaire des ressources.
Créer un environnement dans lequel les fermiers et les jeunes se sentent libres de développer des savoirs, innovations et pratiques spécifiques de leur régionHEPA encourage donc les fermiers à développer ce qu’ils ont déjà et qui leur bénéficie le plus tout en les sensibilisant à d’autres sujets.
Fonctionnement de HEPA
Le terrain ainsi rattaché au projet était un lieu idéal pour promouvoir l’observation de la nature et pour designer des agro-écosystèmes. Il a donc été étudié puis remodelé entre 2002 et 2007. Des designs d’ « ecofarming » ont été mis en place, des maisons ethniques traditionnelles implantées pour accueillir les fermiers durant leurs séjours d’apprentissage, des jardins ont été créés pour nourrir tout ce petit monde, les contours des terrains ont été dessinés et le projet de conservation de la forêt a commencé avec la plantation d’arbres natifs.
Au fil des années, les formats de formation ont bien évolués : en 2005, l’école proposait des cours sur une durée d’une à deux semaines sur le design de permaculture. Début 2007, les cours d’ « ecofarming » ont été lancés pour des périodes de 3 à 4 ans avec des promos de 12 élèves. C’était un gros programme d’apprentissage, créé par Mme Lanh dans lequel elle incluait d’autres enseignements tels que la conduite, l’économie, les langues etc etc . Mais la promo a perdu petit à petit ses élèves … Certains sont partis car ils ne souhaitaient pas forcement passer 4 ans si éloignés de tout, d’autres parce que le métier de fermier ne leur correspondaient pas, et la majorité car il n’y avait pas de diplôme reconnu à la clef et que le programme était beaucoup trop long. Certains d’entre eux sont rentrés dans leur communautés et ont continués le métier de fermiers en appliquant ce qu‘ils avaient appris à HEPA. D’autres qui préféraient un job plus « sérieux » sont partis en ville. Les connaissances s’acquéraient avec la pratique sur les terrains et l’apprentissage personnel. HEPA apprenait aux jeunes à devenir des leaders de leurs communautés mais ce n’était pas évident à accepter pour tous. Une nouvelle promotion est arrivée en 2010, et les élèves restant de la première génération étaient devenus enseignants à leur tour. En 2012 c’est une dernière promotion d’élèves du Laos qui est arrivée pour 2 ans.
Face aux problèmes liés à l’intensité et la longueur du cursus, il a été décidé fin 2014 de diminuer radicalement la durée du programme et de concentrer les programmes sur des périodes allant de 2 semaines à 3 mois. HEPA a ainsi revu complètement son programme jugé trop long et a établi des thèmes qui étaient plus adaptés aux futurs élèves et les plus demandés. Quel que soit le cursus, l’école fournissait un support d’enseignement et des professeurs qui pouvaient être de deux types : des ainés ou chamans des villages ethniques gardiens des savoirs sur les plantes, ou des employés d’HEPA passionnés de permaculture et d’agro écologie, parfois des anciens élèves comme Vinh. Aujourd’hui l’école accueille moins d’élèves qu’avant et se concentre désormais sur un projet d’initiative sociale. Son but ? Former les fermiers à devenir des entrepreneurs qui vendent leurs produits tout en restant concernés par leur environnement. Il ne suffit pas de gagner sa vie pour réussir, il faut aussi pouvoir la pérenniser et inversement.
Assez parlé d’histoire, que trouve-t-on exactement à HEPA et qu’avons-nous fait dans ce merveilleux endroit ?
A HEPA, c’est plus d’une cinquantaine d’espèces comestibles qui sont cultivées ou qui poussent naturellement dans les jardins et la forêt : du thé, aux légumes, aux herbes aromatiques et médicinales, aux arbres à feuilles comestibles, nous avons fait le plein de saveurs durant notre séjour. Car tout ce qui est produit ici est mangé ici. Mais HEPA est aussi un lieu de conservation de la forêt : l’école gère une pépinière où sont plantées des graines d’arbres mères récoltées dans la forêt. C’est grâce à cette activité qu’HEPA peut réintégrer dans la forêt des plants vigoureux d’espèces locales à protéger. Depuis quelques mois, Vinh et Hung un autre employé ont lancé une activité de pisciculture dans l’un des bassins d’HEPA, une mission prenante puisque plus de 1000 poissons doivent être nourris matin midi et soir. Au-delà de ces activités, l’ensemble des employés d’HEPA sont depuis le début de cette année chargés de gérer les touristes de la rivière Rao Anh. De l’accueil, au barbecue de poulet, au ramassage de déchets, ils sont sur tous les fronts ce qui les empêche parfois d’avoir du temps pour entretenir leurs propres jardins. Nous avons participé peu à peu à chaque activité.
Alors que les horaires de repas fixes (6h30, 11h30, 18h30) pouvait donner un air de travail intensif à notre séjour, nous avons tout de même eu du temps pour nous et pour nous investir dans le travail des Agro’nautes. Il faut dire qu’avec une rivière aussi sublime que celle de Rao Anh qui nous attendait tous les matins scintillant sous les premiers rayons du soleil, la vie ne pouvait pas être difficile ! Elle nous rafraîchissait midi et soir après les travaux aux champs sous le soleil de plomb. Nous mangions avec les 15 employés d’HEPA à chaque repas, partagions la vaisselle et buvions le thé cultivé sur leur espace. Nous dormions toutes les trois dans l’une des maisons sur pilotis traditionnelles des ethnies Hmong, donnant sur la rivière et entourée par la forêt.
Après avoir découverts les fermes (les maisons et leurs jardins respectifs), la rivière et la maison des esprits qui nous accueillait sur ses terres, nous avons commencé les travaux pratiques. A nous le désherbage et l’arrachage des herbes envahissantes pour y découvrir en dessous des terrasses de cultures déjà dessinées dans la pente pour limiter l’érosion. A nous la découverte et la cueillette des plantes comestibles et médicinales de la forêt que nous dégustons midi et soir aux repas. A nous la création d’un petit potager à côté de la cuisine, qui permettra à Inta et Huong, les cuisinières, de faire moins de trajet pour récolter leur plantes. A nous le taillage de haies entourant les jardins qui commençaient à perdre leur forme. A nous le paillage des arbres et des potagers pour maintenir l’humidité, apporter de la matière organique aux plants et limiter l’érosion. A nous la construction de toits en feuilles de palme pour restaurer certaines maisons traditionnelles qui prenaient la pluie. A nous la préparation de la nourriture des poissons du bassin de Vinh à base de tronc de bananier, poudre de maïs et parfois même de fourmis rouges grillées ! A nous le ramassage des déchets laissés sur les berges de la rivière par les touristes vietnamiens peu (le mot est faible …) sensibilisés aux questions environnementales. A nous l’expérience de l’écologie humaine dans la forêt parmi les chiens, souris, serpents, sangsues, chauves-souris, et autres animaux plus ou moins accueillants !
Durant trois semaines, nous avons souvent eu l’impression de manquer de travail et nous avons été parfois déçues de ne pas avoir pu rencontrer de fermiers dans leurs ethnies ou en cours de formation … Mais avec le recul, nous nous sommes rendues compte que l’ensemble des employés en sont un exemple, venant eu même de communautés ethniques et conservant ce mode de vie. Nos hôtes étaient déjà très occupés avec leurs travaux respectifs notamment pour gérer les visiteurs de la rivière et ne pouvaient donc pas toujours nous confier du travail. Nous avons malgré cela vécu une expérience très enrichissante et avons beaucoup appris sur l’importance de conserver les savoirs ancestraux et les ressources naturelles des forêts qui peuvent assurer la survie des hommes.
A bientôt pour de nouvelles aventures au Cambodge !